Le meilleur avocat du divorce financier
A priori, le divorce n’a rien à voir avec l’expert comptable. C’est entendu : le divorce est entre les mains des avocats et du juge aux affaires familiales. Eventuellement, il sera fait appel au notaire, soit pour déposer la convention de divorce par consentement mutuel au rang des minutes de son étude, soit afin que ce dernier établisse un projet d’état liquidatif du régime matrimonial, en vue d’une liquidation amiable ou en vue d’une liquidation judiciaire. 
 
Que viendrait faire l’expert comptable dans le divorce ? C’est au notaire que l’on demandera, si besoin, de faire l’état des lieux du patrimoine du couple, et de retracer l’historique des mouvements de fonds entre les différentes “masses” de biens du couple.  C’est oublier que le patrimoine du couple ne se limite pas aux biens personnels et qu’il peut comprendre un patrimoine professionnel. C’est oublier que, même s’il peut bénéficier d’un statut salarié, un époux peut être dirigeant, associé ou administrateur d’une société. 
 
Indépendamment du régime des biens professionnels confronté au régime matrimonial, indépendamment du statut d’une société confronté au droit du divorce, l’expert comptable peut se révéler bien utile pour dénicher les revenus d’un époux ; sauf à confier son divorce à un avocat pouvant mobiliser des compétences fiscales et comptables.  

Comprendre le plan comptable et fiscal de l'activité économique d'un époux 

La situation d’un époux salarié peut apparaître relativement simple. Ses revenus peuvent être aisément identifiés à partir de l’avis d’imposition, voire à partir des dernières fiches de paie. La situation de l’époux salarié pourra être aisément actualisée ; de telle manière à disposer d’une vue sur les revenus de l’époux-salarié aussi proche que possible du jour où le juge statue. 
 
Le salaire net permettra de déterminer le revenu disponible de l’époux, complété des éventuels revenus de remplacement et des aides sociales qui pourraient lui être servies. Ce revenu disponible permettra de fixer qui le devoir de secours dû au cours de la procédure de divorce, qui la pension alimentaire due au titre de la contribution à l’éducation et à l’entretien des enfants. Eventuellement, ce revenu contribuera à déterminer le montant de la prestation compensatoire.
 
Les choses ne sont pas aussi simples lorsque l’époux exerce son activité professionnelle sous forme individuelle, relevant du régime des bénéfices industriels et commerciaux ou des bénéfices non-commerciaux. Le revenu fiscal de référence ne correspond pas au revenu disponible
 
En application de l’article 36 du code général des impôts, le revenu fiscal de référence correspond, tout d’abord, au bénéfice constaté à la clôture de l’exercice fiscal de l’activité professionnelle. Si cet exercice fiscal coïncide avec l’année civile et que l’activité est extrêmement régulière, cela ne suscite pas de difficulté majeure. 
 
A l’inverse, lorsque l’exercice fiscal ne coïncide pas avec l’année civile, le revenu fiscal de référence ne sera apprécié qu’avec un décalage, d’autant plus perturbant que l’activité professionnelle connaît de fortes variabilités d’un exercice à l’autre. 
 
Soyons concrets ! 
 
En septembre 2018, un salarié reçoit son avis d’imposition, lequel fait mention des salaires nets (ou presque) perçus au cours de l’année 2017, dont le décompte est arrêté au 31 décembre 2017. Pour avoir une vue actualisée de ses revenus, ce salarié produira des fiches de paie les plus récentes, généralement les 3 dernières (juin à août)
 
Imaginons un libéral dont l’exercice court du 1eravril au 31 mars. Le revenu fiscal de référence sera déterminé au 31 mars de chaque année. En septembre 2018, ce libéral reçoit un avis d’imposition portant sur les revenus annuels constatés au 31 mars 2017 ; soit 18 mois plus tôt. Ce libéral ne dispose d’aucune fiche de paie, sauf à exiger la production bilan du dernier exercice clos, sauf à prendre soin d’exiger des états de synthèses mensuels en cours d’exercice. 
 
Appréhender l’activité professionnelle d’un individuel exige tout autant de maîtriser les règles de détermination fiscale du bénéfice, sauf à prendre le risque d’argumenter (pour l’avocat) ou de statuer (pour le juge) à la lumière d’une situation biaisée, ne reflétant par la réalité de la situation financière de l’époux. Lorsqu’un individuel réalise un investissement non amortissable par recours à l’emprunt, ou souscrit un prêt de trésorerie pour les besoins de son activité, seuls les intérêts d’emprunt sont fiscalement déductibles du chiffre d’affaire. La part des échéances mensuelles, affectée au remboursement du capital, n’est pas fiscalement déductible et ne vient pas réduire le bénéfice fiscal, soumis à impôt, de l’époux. 
 
Concrètement, toujours. Si un individuel qui affiche un bénéfice de 40 000 € annuels, correspondant à un revenu mensuel en apparence de 3 333 €, rembourse chaque mois 850 € au titre d’un prêt de trésorerie, le capital remboursé à chaque échéance devra venir en déduction du bénéfice constaté (de l’ordre de 820 € à déduire chaque mois), bien que s’agissant d’un emprunt d’apparence professionnelle. Le “bénéfice” annuel tombe à 30 160 € (40 000 € - 820 € x 12 mois), correspondant à un revenu mensuel de 2 513 €. 
 
Il faudra donc prendre garde à intégrer les règles fiscales pour déterminer le revenu disponible de l’époux.  

Savoir dénicher les informations “cachées” d’une comptabilité  

Lorsqu’un époux gère ou administre une société, ou qu’il en est associé, il est tout aussi important de savoir lire un bilan pour déceler, si besoin, les revenus que l’époux retire réellement de l’activité. 
 
Le premier impératif est de solliciter non seulement le bilan et le compte de résultat de la société, mais encore l’intégralité de la liasse fiscale de la société. La recherche, et l’étude du détail, des comptes courant d’associés pourront être une source utile d’informations sur la réalité de la situation financière de l’époux.

Ainsi, des dividendes passés pourraient n’avoir pas été “officiellement” distribués, et avoir été placés en compte courant d’associé. En apparence, l’époux n’a pas de compte épargne personnel, il perçoit temporairement un salaire minoré (le temps de la procédure de divorce), alors pourtant que certaines de ses charges personnelles sont affectées au compte courant d’associé, venant en remboursement des sommes que la société doit à l’associé. Autre exemple : si, légalement, le versement d’une rémunération sur le compte courant d’associé rend ce revenu disponible, et conséquemment soumis à fiscalité et charges sociales (ce revenu devrait normalement apparaître sur les avis d’imposition), il arrive que, sous couvert d’un revenu assez faible, un complément de revenu soit assuré sous forme de versement en compte courant d’associé. Il s’agit de présenter, dans le cadre de la procédure de divorce, une situation moins favorable qu’elle ne le serait vraiment si i) l’ensemble des sommes mises à disposition étaient versées sous forme de rémunération, ii) l’ensemble de ces sommes donnaient lieu à déclaration fiscale. 
 
Il faut savoir déceler les éventuels “arrangements” auxquels un époux peut avoir la tentation de succomber. 
 
De la même manière, il faut être en mesure d’apprécier la cohérence du bilan comptable présenté, pour déterminer si l’époux qui se prévaut de la situation obérée de la société qu’il dirige et dont il est associé, correspond à la réalité. On pourra ainsi s’étonner de constater une forte baisse du chiffre d’affaires, lorsque les achats de marchandise se maintiennent aux niveaux des exercices antérieurs… sans que la baisse des ventes, à achats constants, ne s’accompagne d’une explosion des stocks. Sauf à l’époux à démonter qu’il s’est engagé dans une guerre des prix, rognant fortement ses marges unitaires (expliquant la baisse du chiffre d’affaires à achat constants), il y a fort à penser que… de la marchandise disparaît mystérieusement. Pour le dire autrement, il y a fort à parier qu’un tel bilan révèle l’existence de ventes dissimulées, le temps de minorer sa situation le temps de la procédure de divorce. 
 
L’analyse des charges imputées à la société, indépendamment du risque pénal qui serait encouru par l’époux, peut tout autant révéler que l’époux diminue abusivement ses charges personnelles, en les faisant assumer par la structure sociale, lui permettant de justifier d’un faible revenu personnel. 
 
Qu’il s’agisse d’affûter ses armes dans le cadre d’un divorce contentieux, ou d’accepter d’engager un négociation en vue d’un divorce par consentement mutuel (ce qui n’est envisageable qu’en toute connaissance de la situation de chacun des époux), il indispensable de dépasser le cadre du seul droit du divorce, voire de dépasser le seul cadre du droit. 
 
Et de déborder sur la profession du chiffre !   

Jérémie BLOND pour Mutual Justice 

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