L’ordonnance n° 2020-316 du 25 mars 2020 relative au paiement des loyers, des factures d’eau, de gaz et d’électricité afférents aux locaux professionnels des entreprises dont l’activité est affectée par la propagation de l’épidémie de covid-19 a été publiée au Journal Officiel du 26 mars (consulter : ICI). Elle est destinée à entrer en vigueur immédiatement, sous cette importante réserve qu’un décret d’application demeure nécessaire. 
 
Les articles 2 et 3 de l’ordonnance concernent les factures d’eau, de gaz et d’électricité : 

Report des factures d'eau, de gaz et d'électricité des professionnels 

A compter du 26 mars, et jusqu’à la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire, les fournisseurs d’eau, de gaz et d’électricité visés par l’ordonnance ne peuvent « procéder à la suspension, à l’interruption ou à la réduction, y compris par résiliation de contrat, de la fourniture d’électricité, de gaz ou d’eau » au motif du « non-paiement des factures » des entreprises bénéficiaires de ces mesures.  

Est toute autant interdite, pour ce motif, la réduction de la puissance électrique distribuée. 
 
Il suffira à l’entreprise bénéficiaire d’attester qu’elle remplit les conditions pour prétendre à l’interdiction des mesures de suspension, d’interruption ou de réduction, selon des modalités qui doivent encore être précisées par décret.  
 
Les entreprises bénéficiaires de ces mesures pourront également solliciter un report des factures non-acquittées.  

Cette possibilité concerne les factures devenues exigibles, non encore acquittées, entre le 12 mars et la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire
 
Le report ne pourra donner lieu à « pénalités financières, frais ou indemnités »
 
Les échéances reportées seront réparties « de manière égale sur les échéances de paiement des factures postérieures au dernier jour du mois suivant la date de fin de l’état d’urgence sanitaire, sur une durée ne pouvant être inférieure à 6 mois »
 
Autrement dit, si l’état d’urgence prend fin au 28 avril, les factures des mois de mai et juin seront normalement exigibles, le paiement des factures échelonnées commençant au 1erjuillet 2020, en sus des factures usuelles, sur une période minimale de 6 mois. 
 
De nouveau, il reviendra aux entreprises bénéficiaires d’attester qu’elles sont éligibles, selon des modalités qui seront précisées par décret. 

Neutralisation des pénalités, mais pas de report des loyers professionnels ou commerciaux

A l’inverse, aucun report des loyers professionnels et commerciaux n’est prévu en l’état, contrairement à l’habilitation donnée au gouvernement par l’article 11-I-1° g) de la loi du 23 mars 2020. 
 
L’article 4 de l’ordonnance a pour seule finalité de “neutraliser” les sanctions contractuelles encourues en cas de défaut ou de retard de paiement : 
  • les entreprises qui n’auront pas été en mesure de payer le loyer et les charges des locaux professionnels ou commerciaux ne pourront encourir « de pénalités financières ou intérêts de retard, de dommages-intérêts, d’astreinte, d’exécution de clause résolutoire, de clause pénale ou de toute autre clause prévoyant une déchéance »
  • cependant que les « cautions ou les garants » ne pourront être « activés ».  
La neutralisation d’un défaut de paiement des loyers professionnels et commerciaux concernent tous les loyers et charges locatives échus entre le 12 mars et un délai de 2 mois suivant la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire. 
 
En l’état, l’effet de la neutralisation n’est affecté d’aucun terme. Tout défaut de paiement concernant un loyer échu pendant la période visée interdira, par exemple, de mettre en œuvre une clause résolutoire. En cas de reprise des paiements, après cessation de l’état d’urgence sanitaire, le locataire pourrait, de notre point de vue, être fondé, au visa de l’article 1342-10 du code civil, à imputer les paiements sur les loyers échus postérieurement à la fin de l’état d’urgence, sans que le défaut de paiement des loyers antérieurs autorise la mise en œuvre de la clause résolutoire. Le bailleur aurait pour seule possibilité d’agir en paiement des loyers et charges impayés. 
 
Autre conséquence. A notre avis, cet article condamne la possibilité pour le locataire de se prévaloir de la force majeure pour se soustraire à son obligation de paiement du loyer : 
  • d’aucun ont pu avancer que, le locataire ne pouvant user du bien en suite de l’obligation de fermeture des établissements recevant du public, il pourrait se prévaloir d’un cas de force majeure pour éviter le paiement du loyer ; 
  • pour autant, la force majeure s’apprécie au regard des obligations réciproques des parties au contrat de bail. Or, le bailleur n’est pas dans l’impossibilité de laisser les locaux à disposition du locataire, lesquels restent, au contraire, à sa disposition. Les locaux ne sont pas, en eux-mêmes, rendus impropres à la destination stipulée au bail pour un motif qui serait imputable au bailleur ou aux locaux. Une mesure administrative et générale de fermeture interdit au locataire d’exploiter les locaux dont il a la libre disposition, cependant que les tensions de trésorerie ne peuvent caractériser la force majeure ; maintenant, de notre point de vue, l’obligation de payer le loyer ; 
  • en aménageant les conséquences d’un défaut de paiement, l’article 4 confirmerait l’obligation, maintenue à la charge du locataire, de payer le loyer ; et ce, quand bien même la neutralisation du défaut de paiement n’est pas limitée aux seuls établissements recevant du public (ERP) astreint à fermeture.  

Reste toutefois à déterminer les bénéficiaires de ces mesures. La question demeure en attente d’un décret d’application : 
  • aux termes de l’article 1erde l’ordonnance, pourront bénéficier de ces mesures les entreprises exerçant une activité économique éligibles au « fonds de solidarité mentionné à l’article 1erde l’ordonnance n° 2020-317 du 25 mars 2020 ».  
Le décret n’a pas encore été publié. 
 
L’article 11-I-1° g) de la loi du 23 mars 2020 nous permet uniquement de savoir qu’il s’agira de micro-entreprises visées par le décret n° 2008-1354 du 18 décembre 2008 ; à savoir les entreprises i) occupant moins de 10 salariés, ii) et dont le chiffre d’affaires annuel ou le total du bilan sont inférieurs à 2 millions d’euros ;  
 
  • L’article 1erde l’ordonnance prévoit d’autres conditions à venir : les seuils d’effectifs et de chiffre d’affaires pourront être inférieursà ceux visés par le décret di 18 décembre 2008.  
Doit également être précisé « le seuil de perte de chiffre d’affairesconstatée du fait de la crise sanitaire »
 
Toutes les micro-entreprises ne pourront donc pas se prévaloir de ces mesures. 

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